D'après le soleil il est tôt, très tôt. Tant mieux, les autres dorment et ne remarqueront donc pas son absence avant un bon moment. Guëlinaé se leva en douceur, sans bruit et sortit du blockhaus en silence, sans un regard pour ses nouveaux compagnons. Voilà quelque jours maintenant qu'elle vit dans ce corps d'enfant, l'immersion avait été difficile mais maintenant elle le maitrisait assez bien et apparaissait presque totalement humaine, il faut dire que les conseils d'Alyss avait été utile pour l'intégration. Alyss... elle aurait peut-être du lui dire qu'elle partait à la rencontre des autres ambassadeurs ? Qu'elle allait chercher des informations, de l'aide ? Non l'humaine a assez à penser comme ça, elle doit surveiller son propre peuple, si elle apprend des choses elle lui dira. Guëlinaé ne pouvait s'empêcher de faire confiance à l'humaine, après tout se qu'elles ont vécu ensemble il lui était difficile de la mettre de côté, de faire comme si elle ne la connaissait pas. Et puis, au yeux du clan, la petite Sophie est très attachée à mademoiselle Faurel. Allez, laisse, tu lui raconteras à ton retour. Ou pas ça dépendra des autres...bah déjà il faut qu'elle les trouve
.
Guëlinaé avait bien observé les autres humains, détaillé, analysé et aucun ne correspondait à un ambassadeur. Elle en était sure: ce ne sont que de simples humains. Ils sont parfait dans leur rôle, aucune incohérence. Non pas des ambassadeurs. Où sont-ils alors? Il est temps de se montrer non? Peut-être sont ils cachés sur la lande ? C'est avec cet espoir qu'elle se rendit sur la plage pour commencer son observation des lieux. Arg. J'avais oublié combien ce chemin est escarpé ! Ce n'est pas sans mal que la fée arriva de l'autre côté, complètement paranoïaque et excessivement dans son rôle, elle avait refusé de se transformer car « on ne sait jamais y a peut-être un humain caché ». Ah ben j'ai bien fait y en a un ! Un petit garçon, plus grand qu'elle, semblait perdu sur la plage. L'air d'avoir fauté, il la regardait avec inquiétude comme s'il ne voulait pas qu'elle approche. Trouillard l'humain dit donc... Humain ? Plus elle avançait et plus elle doutait. Avoir côtoyé de véritables humains l'avaient renseigné sur leurs attitudes: un enfant ne boude pas quand il est perdu sur une plage, il pleure, hurle, mais ne boude pas. Surtout à une heure pareille ! Toi t'es pas humain n'est-ce-pas ? Ambassadeur ? Je t'ai trouvé ? Enfin ? Au lieu de s'enthousiasmer Guëlinaé se fit un visage de circonstance avant qu'il ne puisse la voir distinctement: l'air inquiète, perdu. Dans sa tête sa phrase était déjà faite: « je cherche Alyss... » si c'était un vrai humain et qu'il apprenait la relation de Sophie et Alyss (aux regards des autres l'enfant prend cette dernière pour sa nouvelle maman) il ne douterait pas du bien fondé des propos de Sophie. Si comme elle le pense il n'est pas humain... y aura aucun soucis non plus.

« Tu fais quoi ici ? »

De cette bouille blonde ronde une voix boudeuse sortit. Adorable était le mot qui qualifiait le mieux l'enveloppe charnelle de la fée. Petite, blonde avec des cheveux bouclés, une peau blanche et d'immenses yeux bleus, Sophie avait tout pour faire craquer l'humain le plus réticent: et c'était fait pour ! Elle ne dit rien de plus, juste ça, attendant la suite. Prête à lui dire: mais je cherche mon amie ! Prête à lui raconter les mensonges qu'il faut. C'est à ce moment là qu'elle remarqua le bruit qui venait de derrière eux, hm qu'est-ce-que ? Pas une sirène! C'est la première chose auquel la fée pensa: une sirène. Car rien d'autre ne peut faire de bruit dans l'eau à part une sirène hein ? La mer est calme... Sirène? Guëlinaé se méfit d'eux comme la peste ils n'ont pas une bonne réputation en même temps ! Sophie devint soudainement très inquiète, les yeux rivés sur l'eau. Il se passe quoi? Moi je cherche juste Alyss...

« Y a un truc dans l'eau... »

Sirène. C'est une sirène. Elle a les pieds écaillés, elle marche comme si ses jambes effleuraient du verre. Sirène. La méfiance de Guëlinaé s'accrut, chez ces êtres à mauvaise réputation il y en a un qui terrifie tout ceux qu'il croise. On le dit beau, éloquent mais aussi affreusement mauvais. C'est un sirène mais si lui, dont elle n'arrive pas sur coup à retrouver le prénom, est l'incarnation du démon sur leur île pourquoi pas elle aussi ? Peut-être qu'elle est son amie ? Peut-être même que toutes les sirènes sont ainsi ?! Méfiance. Prudence. Sont les maîtres mots de cette situation. Et lui avec sa réponse il n'est pas du tout humain ! Il cherche un copain sur la plage ? Alors que c'est l'aube ? Il me prend pour une idiote ? Heureusement que je suis fée sinon la situation aurait été bien délicate: ils crient leurs espèces. Enfin on peut quand même s'amuser non ? Allez je vais jouer la situation jusqu'au bout, on verra bien lequel craque le premier ! Un jeu ! Cela faisait longtemps qu'elle n'en avait pas fait ! Allez on va rire un peu ….

Sophie était effrayée par la femme qu'elle dévisagea avec lenteur. Doucement elle se rapprocha du garçon comme n'importe quelle fillette l'aurait fait, lui attrapant le bras et serrant les lèvres. Je veux pas qu'elle s'approche de moi ! Elle est trop bizarre ! Oui elle est vraiment bizarre... une lueur de curiosité passa dans le regard de l'enfant. Au fond d'elle Guëlinaé riait d'embêter le garçon tout en se disant que peu importe son espèce il pourra la protéger de la sirène: elle fait une pierre deux coups !

« Oui ! C'est bizarre comme prénom ! T'es toute trempée... t'es un esprit ?! »

Et hop elle la regarde avec encore plus de méfiance et de peur. A force de côtoyer les humains elle avait entendu leurs légendes locales, les « mystères de la Bretagne » qu'ils se racontaient au coin du feu, devant la maison. Elle avait entendu parler de lutins, d'esprits vengeurs et autres choses étranges qui lui avait donné un délicieux frisson. Elle va réagir comment à tout ça ? Hihihi l'autre bizarre n'a pas l'air de vouloir dire qui il est, même pas son prénom. Peut être que c'est un fée ? Y a que nous qui taisons notre nom ordinairement... Oh ça serait merveilleux !! Enfin bon quoi qu'il soit on va rigoler.

« fait gaffe il a un copain qui va v'nir! »

Ou pas. Hihi t'aurais pas du me dire ça maintenant tu vas dire quoi ?
Guëlinaé avait beau avoir peur de ce que la sirène pouvait leur faire et craindre qu'elle leur envoie une vague qui les noient, elle se sentait excitée par la situation. Les voir s'emmêler gauchement dans une attitude qui n'est pas naturelle, deviner la nature du garçon tout en jouant sur ses mots et faire du mal à l'affreuse sirène en l'excluant: tout ça lui plaisait grandement. Son tempérament joueur et quelque peu malsain sur les bords ressortaient dans cette rencontre impromptue. Mais tout ça elle le cachait avec brio, aux yeux de tous Sophie à peur tout en étant intriguée par la dame qu'elle perçoit comme un esprit fabuleux.

On peut dire ça ? Origine étrangère ? C'est quoi ça origine étrangère ? Étranger c'est quelqu'un qui n'est pas du même endroit que nous, de la même terre donc elle ne vient pas d'ici ? Elle vient d'où ? Peuh c'est qu'une sirène ! Guëlinaé se demanda si les sirènes pouvaient venir d'eaux lointaines, après tout elle n'a jamais été voler très loin, peut-être qu'elle en tant que sirène elle peut aller vraiment très très loin. Ca serait bien, la chance... Bon stop divagation. Le garçon lui demanda des précisions sans se préoccuper qu'elle leur ai dit être un semblant d'esprit. Quel enfant n'aurait pas peur ? Elle, en tant que Sophie, elle a peur ! Et cela se vit, l'enfant frissonna et recula d'un pas. J'aime pas ça du tout semblait-elle dire. Ce petit jeu commençait à devenir monotone et à tourner en rond mais elle ne voulait pas être la première à céder. En même temps personne ne paraissait vouloir rebondir, poser de questions. Aucun « que faites vous ici ? », « où sont tes parents ? », ce n'est pas amusant... Déjà lassée par ce jeu – car elle se lassait très vite de tout – la petite Sophie fit une moue et s'écarta du garçon.

« vous êtes déjà ennuyeux et absolument pas crédible. Je m'appelle Sophie Delorme et cela fait un moment que je me promène sur la lande, en vrai fantôme, moi »

Hop pause pour un petit coup d'oeil appuyé à la Sirène avant de reprendre:

« tu t'appelles vraiment Naëlle ? C'est beuzarre mais jolie. Bien mieux que les prénoms humains ! Bien si t'es vraiment humain toi, ce dont je doute, ben je vais te manger tout crus ! Car moi je n'ai rien d'une enfant perdue, à dire vrai j'adore croquer ces idiots d'humains abandonnés sur la lande. Quant à toi la grande étrangère ben j'sais pas encore ce que je te réserve. Hihi. » finit-elle en riant après avoir pointé du doigts le garçon quand elle s'était adressée à lui.

Heu Guëlinaé c'est ça que tu appelles relancer le jeu ? Les provoquer ? Tu crois vraiment que ça les enchanter ?! N'importe quoi ! Oh pauvre petite ! La fée les regardait avec une lueur amusé pas spécialement effrayante mais on ne savait pas comment prendre ses paroles. La frivolité et l'inconscience régnait chez elle mais une chose est certaine: cela fait vraiment un moment qu'elle est ici sinon son assurance en parlant serait merveilleusement feinte ! La fée laissait entendre qu'elle savait beaucoup de chose mais qu'elle n'avait pas envie de les dire, oui je suis cachotière. HiHi. Je sais et pas vous semblait-elle sous-entendre. Hihi.

Si Naëlle jouait le jeu l'autre craqua en affichant aux yeux de tous sa forme. Il était tout petit aux yeux de Sophie mais immense pour ceux de Guëlinaé, ses cheveux roux mal coiffés et ses vêtements colorés criaient son appartenance au peuple des Korrigan. Amusée la fée opina du chef quand il lui dit qu'elle devait être une fée: gagné ! Bon allez, t'as raison, cessons cette mascarade. Il faut parler sérieusement maintenant. Guëlinaé s'avança d'un pas et se transforma en elle-même. Disparu les cheveux bouclés blond, les vêtements chaud d'humains ! A la place une fée microscopique à peine discernable sur le sable qui s'envola pour être visible par les deux. De la taille d'un doigts elle porte une robe blanche légère, ses cheveux bleutés sont détachés suite à la transformation et flotte doucement derrière elle, portés par le vent. Guëlinaé les attrappa et les ramena sur son minuscule épaule pour les tenir en place, le vent de la mer est plus fort que celui de la forêt j'ai l'air d'une sorcière pensa-t-elle.

_ Bingo ! Je suis une fée, d'où vous comprendrez que je ne dirais pas mon prénom. Continuez à m'appeler Sophie, j'ai l'habitude maintenant.

La joie de pouvoir voler de ses ailes fines, transparentes, la prenait. Ca faisait si longtemps ! Avant de reprendre avec sérieux elle fit un petit salto, se mettant tour à tour la tête en bas ou sur le côté, se moquant qu'on puisse voir ses dessous. Je vole ! Ca fait trop longtemps que je suis dans ce corps d'humain gras et gauche ! Et finalement elle ne cessa de voleter pendant qu'elle parlait, se posant sur le chapeau du Korrigan puis sautillant jusque sur l'épaule de la Sirène sans s'y poser car elle se méfiait toujours de la sirène... D'ailleurs doit-elle tout dire ? C'est une Sirène ! Mais en même temps elle n'a pas trop le choix, l'autre finira par savoir de toute façon... autant lui faire croire qu'elle lui fait confiance non ? Guëlinaé choisit cette option dangereuse et pour montrer qu'elle ne la craignait pas trop elle se posa un instant sur son épaule.

_ Je vis avec eux depuis un moment maintenant. Ils sont gentils et ne paraisse pas avoir de mauvaises intentions, de ce que j'en ai vu mais étant enfant je n'ai pas accès à tous. Ils vivent dans un blockaus, je vous y emmènerais. J'ai rencontré le maitre de la brume il a dit que les humains avaient découvert quelque chose autrefois mais rien de plus... cet homme est épouvantable ! Il se croit le maitre des lieux ! Comme si la terre lui appartenait ! En tout cas il n'a pas dit comment les humains pourraient repartir. Ah cela me fait penser que l'humaine Alyss Faurel sait que je suis une fée, j'ai été obligé de le lui dire à cause du maitre de la brume. Elle me paraît être quelqu'un de confiance mais on ne sait jamais... J'ai demandé à ce qu'elle ne révèle rien. Vos peuples ont des objectifs précis ? Moi on m'a juste demandé d'observer pour le moment …

Son ton sérieux et impliqué contrastait avec son nombreux tours aériens. A l'inverse de la joueuse , on sentait qu'elle pouvait devenir quelqu'un de confiance, de motivé pour protéger son peuple des humains.